D'une frontière à l'autre

Nous étions partis pour un petit camping sauvage au bord de l'eau mais nous avons du déchanter quand nous avons vu les cumulus s'accumuler au dessus de nos têtes pour finalement nous tomber dessus. Les plans changent, nous ne savons plus si nous allons quand même camper mais nous continuons notre route vers Aluksne que nous ne connaissons pas avec nos deux stoppeurs qui sont de la région et qui nous donnes quelques bon tuyaux.
Nous visitons un peu la ville avant de nous diriger vers Korneti qui est un village à la frontière de l'Estonie. En passant, nous apercevons un panneau indiquant un tracé de ski alpin. Sur une route normale, il y a peu de chances pour que nous ayons tourné à gauche mais là, nous étions perdus au milieu de la forêt et il fallait prendre un chemin encore plus petit. Qu'à cela ne tienne, ma petite voiture en a vu d'autres et ce n'est pas les deux ornières qui servent de chemin qui vont l'arrêter! Nous arrivons vers un lieu qu'on ne pourrait imaginer dans les environs! Une colline pentue aux flancs de laquelle sont accroché des pseudo télésièges avec une sorte de bar à la base pour servir de station. Tout était vide mais on imagine bien l'activité que peut avoir cette station durant l'hiver! Pour sûr, elle ne doit attirer que des gens de la région...
Après avoir profité du soleil et des fraises sauvages, nous continuons notre aventure vers la frontière estonienne. Le village qui borde la frontière est logé entre deux lacs ou alors les deux lacs sont logés entre les deux parties du village. Le beau temps n'étant pas au rendez-vous nous décidons d'essayer de trouver une maison d'hôte pour ne pas prendre le risque de se réveiller avec le sac de couchage mouillé à 4h du matin. Pour ce faire, nous nous dirigeons vers Ape qui est aussi sur la frontière avec l'Estonie et qui est un peu plus grand mais pas de maison d'hôte visible mais un magasin où nous décidons de nous approvisionner avant de retourner vers Aluksne.
Une fois retourné à la ville, nous nous dirigeons vers un camping au bord du lac qui offre également quelques chambres d'hôtes et des petits chalets mais le temps semblant se lever nous avons opté pour la tente et les grillades en plein air!
La pluie ne nous dérange pas pour la mise en place de la tente et n'arrivera qu'au moment d'aller se coucher et malgré la force avec laquelle elle tombe, rien ne pénètre dans la tente et nous passons une agréable nuit. Le matin est froid et toujours peu propice à la baignade. Nous décidons un changement de nos plans et après un petit déjeuner plus ou moins rapide, nous partons pour Balvi sans savoir où nous irons ensuite.

Il y aurait à Vilaka, une directrice d'école très active et nous décidons de voir quel est exactement ce petit village au confins de l'Europe où il y a pourtant une personne europhile. Le village a trois églises pour chacun des courants de la chrétienté présent en Lettonie mais c'est pour sûr la branche catholique romaine qui rassemble le plus. Nous commençons par aller voir celle qui est dédié au culte orthodoxe russe et justement, l'heure matinale et dominicale aidant, elle est en service et nous ne nous permettons que de la photographier de loin. Elle n'a pas le faste de celle de Karosta mais a un style qu'on reconnait bien!
Nous passons pas loin de l'église luthérienne mais c'est l'immense cathédrale dédiée au culte catholique romain qui attire notre attention. Construite en brique rouge avec une grande rosace, l'église est surmontée par deux grands clochers qu'on a pas l'habitude de voir dans un pays où le protestantisme est dominant et pas forcément familier aux fastes qu'on peut trouver dans l'architecture catholique. L'heure aidant ici aussi, elle est en service et nous devons également nous satisfaire de la vue extérieure.

Finalement, nous décidons d'aller à Rezekne où je ne suis jamais allé et j'aimerai bien voir la fameuse statue "Latgales Mara" qui est un des symboles de la république. Nous devons prendre une piste qui longe la frontière russe à notre grande surprise, elle est goudronnée de temps en temps. Ce que nous savions pas, c'est qu'elle passait si près. Je vous laisse admirer.

Chacun sa tour pour se regarder dans le blanc des yeux en attendant qu'un migrant ou qu'une armée passe.

Frontières, barrières, fronts d'hier,
vous êtes placées là
attendant votre histoire
et cachant votre histoire,
une honte, une gloire
ou bien souvent les deux,
vous êtes le fruit de combats victorieux,
d'arrangements à l'amiable
ou à grand coup de sabre
vous êtes inexistantes
et pourtant bien présentes
personne ne vous voit si ce n'est sur une carte
mais vous passer dessus ne s'imagine pas.
J'ai traversé une fois cette frontière qui a pris une importance capitale en devenant une sorte de nouveau point final à l'Europe. Elle parait si perméable mais ne l'est pas, il y a des habitations entre les deux tours et des champs. Il faut savoir que l'endroit où sont posé ces deux tours a été longtemps disputé par la Lettonie à sa voisine russe. Le district d'Abrene (Abrenes apriņķis) faisait était partie intégrante de la Lettonie après la première indépendance mais à la seconde indépendance, la fédération de Russie a contesté à l'appartenance de cette région qui est à majorité russophone à la jeune république de Lettonie. Après plus de 15 ans de tractations et de mots doux entre les gouvernements des deux états, la Lettonie décide de signer un traité où elle accepte les frontières tracées de facto par la langue. C'est pour surveiller cette frontière que les deux tours ont été élevées.
Nous continuons notre route vers Rezekne où même si l'inscription sous la statue prône le rassemblement pour la Lettonie, le sentiment russe semble se développer au sein d'une communauté à laquelle on refuse les droits de citoyenneté d'un côté comme de l'autre. La ville est comme celle de Balvi ou celle de Jelgava, l'architecture soviétique marque fortement la ville et ce n'est pas la place de "Latgales Māra" qui arrive à dissimuler le modèle bloc de béton gris clair typique de l'époque.

Notre route nous conduit ensuite vers Jekabpils où nous décidons de filer vers le sud pour éviter de longer la Daugava et d'avoir à suivre et dépasser bon nombre de camions. Je ne connaissais pas non plus ce coin de la Lettonie et l'avait imaginer à l'image du reste de la Zemgale, c'est à dire plat. Mais je fus agréablement surpris de traverser des forêts qui couraient au milieu de routes montantes et descendantes. Le soleil se levant enfin, nous avons pu apprécier des paysages typiquement letton avec nombre de maisons isolées et les champs autour. Ce chemin nous a conduit vers la frontière lituanienne que nous n'avons pas traversée mais suivie pendant bon nombre de kilomètres. C'est à ce moment-là que nous nous sommes dit qu'il ne nous manquait plus que celle avec la Biélorussie pour pouvoir déclarer les avoir toutes vues le même jour. Ce n'est pas difficile de le faire avec un itinéraire prévu à l'avance et nous avons déjà était au plus proche de celle qui nous manquait aujourd'hui. Ce qui est incroyable, c'est que deux sont complètement ouvertes et deux sont complètement hermétiques.

L'itinéraire permet de découvrir l'est de la Lettonie qui n'est pas forcément touristique mais qui est nationalement connu pour ses poteries, de découvrir quelques lieux riches en histoire au péril d'une grosse journée de voiture et de visites.